Corruption : des personnels de la préfecture parisienne délivraient de faux papiers

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Préfecture de Paris

Une petite dizaine de personnes travaillant en préfecture à Paris sont inquiétés parce qu’accusés d’avoir fourni de faux papiers à des immigrés clandestins. 

Début juin, la Sous-directions chargée de la lutte contre l’immigration irrégulière (SDLII) a démantelé un petit réseau d’agents préfectoraux parisiens qui fournissait de faux papiers à des clandestins. 

Ils étaient sous surveillance par des policiers depuis un an. Ces agents de la préfecture, pourtant très bien organisés, ont été démasqués. La justice parisienne a donné son feu vert pour procéder à leur arrestation. Equipe assez hétérogène puisqu’ils ont entre la vingtaine et la cinquantaine déjà bien entamée. Ils sont accusés de faux et usage de faux, entre autres. La liste est longue !

« Un rodage parfait : du jamais vu en France »

Le système est simple : l’immigré paye 15 000 euros et en échange, obtient un dossier administratif sans reproches pour pouvoir séjourner en France. La liste des documents est longue, on peut citer passeport, fiches de paie, avis d’imposition… Un rodage parfait et de faux documents plus que vrais que vrais.  

Le réseau est étendu puisque les faux papiers étaient « fabriqués » en Turquie, puis envoyés vers la France le plus discrètement possible. Ils n’étaient pas déposés à une adresse, mais en point relais ou remis à des intermédiaires qui, ensuite, « livraient » aux agents préfectoraux. 

Le « gang des faux papiers », travaillant sous pseudonyme, est allé encore plus loin. Ils délivraient non seulement de faux papiers, mais utilisaient les différentes nationalités européennes. Pourquoi ? Parce que les papiers officiels sont facilement reproductibles (ils sont moins sécurisés que les papiers fournis par la France). A la préfecture de Paris, les personnels n’en croient pas leurs oreilles tellement leurs collègues avaient pensé à tout. “Ces pays d’Europe de l’Est attirent également moins l’attention de l’État”, a indiqué un magistrat.

Un grand nombre de « candidats » pour de faux papiers 

La préfecture de Paris a élargi son réseau à l’Ile-de -France, impliquant des collègues du Val-d’Oise, de la Seine-Saint-Denis. Ces collègues franciliens étaient chargés notamment de valider informatiquement les papiers en provenance de la Turquie.  Figures importantes au sein de la préfecture, rien ni personne ne pouvait les suspecter. 

Le recrutement de ces faussaires avait lieu dans des lieux publics tels que des bars. Ce trafic bien rodé a permis à de nombreux immigrés clandestins d’être en « situation régulière ». Ces derniers étaient capables de prouver qu’ils étaient parfaitement intégrés puisqu’ils avaient de fiches de salaire, des documents officiels en leur possession. C’est par ce biais qu’ils pouvaient obtenir de l’Etat français un titre de séjour. Cela les protégeait non seulement dix ans (après cinq ans, le titre est systématiquement renouvelé), et leur donnait les mêmes droits que s’il étaient naturalisés 

Parmi toutes les personnes ayant obtenu des documents officiels, autour de quarante personnes ont été identifiées sur quelques centaines. Le trafic durait en effet depuis quelques années.

Les agents mis en examen

Tous les intervenants dans ce trafic de papiers sont inquiétés et par conséquent, mis en examen. Chaque agent, ayant pour but de se dédouaner, a minimisé son rôle durant les interrogatoires menés au sein de la SDLII.  Ils ont concédé quelques aveux mineurs. La mauvaise foi a dominé les échanges en dépit du nombre important de preuves : vidéos, écoutes téléphoniques… 

A l’issue des interrogatoires qui ont duré trois jours, les huit personnes impliquées dans ce trafic ont été remis aux mains de la justice. Plus de la moitié est incarcérée et le reste est sous contrôle judiciaire. Ils ont également interdiction de travailler au sein d’une préfecture ou d’un organisme délivrant des documents officiels. 

Après leur arrestation, des perquisitions ont été menées et ont permis de découvrir un butin de matériels derniers cris : imprimantes, ordinateurs, tampons… et plus de 100 000 euros. 

Motivés par l’appât du gain, certains d’entre eux avaient décidé d’agir seuls. Ils avaient réussi à convaincre des agents de préfecture de « travailler » avec eux, pour eux.

Photo de Léonard Cotte sur Unsplash