Des morts pour rien

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Jura, juin 1944, des gardiens de GMR de Lyon étaient exécutés

9 juin 1944, un gardien de la paix en fonction à Lyon décédait sur la commune de Nantey dans le Jura. En faisant des recherches généalogiques, M. Bastien Sanchez découvre cette mention concernant son arrière arrière grand cousin, Jacques Guillet.

Il s’est tourné vers la SLHP pour l’aider à élucider l’énigme de ce décès qui le laisse perplexe. Une démarche de plus en plus fréquente à l’égard de policiers morts durant la Seconde Guerre mondiale ou la guerre d’Algérie.

Jacques, Pierre Guillet était né le 3 septembre 1917 à Lyon 2ème. Son acte de décès transmis, en août 1944, à la mairie du 7ème arrondissement de Lyon, précisait qu’il était affecté à la caserne de la Vitriolerie à Lyon.

Une disparition dont la mémoire était enfouie dans la France rurale profonde

que Bastien Sanchez a réveillée. Un événement tragique que, certainement, beaucoup voulaient oublier ; qui n’avait jamais eu lieu. Il se heurtait à beaucoup de réticences de la part des gens du secteur. Certains qui se sont empressés de lui répondre que les GMR « étaient responsables des délations et des crimes commis dans le secteur par les troupes d’occupation ».

Une mort inexpliquée, dans cette zone de Nantey – Saint-Amour, dans les plaines du Jura, trois jours après le débarquement de Normandie et, à la veille de l’opération d’envergure des troupes d’occupation contre les maquis. Dans sa famille, une « légende » voulait qu’il ait été fusillé par des maquisards ou encore victime d’un déraillement de train. M. Sanchez souhaitait éclaircir les circonstances de cette disparition en particulier pour ses deux grands-tantes âgées de 87 et 90 ans.

Que pouvait aller faire un policier lyonnais aussi loin de son domicile et de son affectation ?

Affecté au quartier de la Vitriolerie, Guillet ne pouvait être qu’un gardien de GMR. Il n’était pas anormal que son unité ait été envoyée dans le Jura. Toutefois, dans la masse de documents et sources consultés dans nos recherches sur la police pendant la guerre, nous n’avions pas trouvé trace d’une quelconque mission de GMR dans cette région, à cette date. L’opération menée contre les maquis par les troupes d’occupation, Frühling, était terminée. Treffenfeld n’avait débuté qu’en juillet 1944.

S’agissait-il d’un prisonnier, d’un déserteur, d’un permissionnaire ou pire d’un « milicien » ? Toutes les options étaient sur la table. Aucune mention de combat ou d’accident ferroviaire ne figurait dans les rapports officiels de l’intendance de police, des RG ou de la gendarmerie. Autre difficulté, cette région était limite de l’ancienne ligne de démarcation. Mais on sait que les archives de l’époque sont loin d’être exhaustives. Enfin, aucune mention sur un monument aux morts, notamment celui des policiers lyonnais au cimetière de Loyasse. Son nom nous était totalement inconnu.

Une mort, comme nombre d’autres, sans explication. Les recherches auraient pu s’arrêter là. Tel n’a pas été le cas. Ce qui a permis la mise à jour d’un événement dramatique plus important demeuré ignoré et enfoui dans la mémoire locale où il est toujours vivace et encore partiellement scellé.

La présence du gardien de la paix dans cette région pouvait être motivée, aussi, par un déplacement d’ordre privé et d’une mauvaise rencontre liée à sa profession. En effet, les grands-parents de son épouse demeuraient à Poligny. Il était jeune marié ; il avait épousé Fernande, Blanche Picard en mars 1943. Celle-ci était enceinte ou venait d’accoucher1. Les maquis tenaient la région et mettaient en place de nombreux barrages2.

Pour des locaux, très réticents à se confier à M. Sanchez, Guillet était « un délateur qui était à l’origine d’exécutions perpétrées par les Allemands ». Comme à l’époque, il « valait mieux ne pas savoir », « c’était bon pour personne »… Aurait-il participé à l’opération Frühling ? La mort de ce policier dissimulerait-elle des faits, en réalité, beaucoup plus graves.

La réponse était certainement locale. Les langues allaient se délier. Ceci grâce à la secrétaire de mairie de Val d’Épy et à M. Jean Janin, originaire de Nantey.

Le décès de Jacques Guillet
Émergence de la mort d’une dizaine d’autres policiers

M. Sanchez pouvait rencontrer un témoin direct du drame.
Le décès avait été déclaré par André Perrodin dit “le loup”, cultivateur, dont le père était maire de Nantey.
Gilbert Grosdenis, âgé d’une dizaine d’années à l’époque des faits, était enfant de choeur à Nantey : Jacques Guillet et neuf autres « miliciens » avaient été interceptés par le maquis sur la route entre les communes de Florentia et de Nantey, probablement dans un camion, mais il n’en était pas sûr. Le « groupe des dix » avait été conduit dans le hameau des “Emboussoirs” (phon) pour y être fusillé. Les dix hommes avaient été alignés et exécutés. Il avait eu connaissance d’un seul policier survivant venu se cacher à Florentia. L’homme avait attendu la fin de la fusillade avant d’aller se dissimuler dans le bois de frênes jusqu’aux environs de midi quand les gens de Nantey étaient venus lever les corps. Il avait été recueilli dans une ferme voisine de celle de ses parents. Le jeune garçon avait rencontré cet homme avec qui il avait pu échanger ; il ne se souvenait ni de son nom, ni de son prénom. Il avait entendu parler d’un coup de grâce donné à un des policiers.
Le charpentier, Joseph Gayard ou Gaillard, avait, sur l’injonction du Père Antoine Reverchon, curé de la paroisse, confectionné dix cercueils rudimentaires. – Un curé de campagne, âgé de 40 à 50 ans, charismatique qui avait quelque chose de don Camillo, costaud et naturellement autoritaire, quelqu’un de très écouté dans la paroisse et qui a laissé un très bon souvenir aux anciens. – Après une brève cérémonie funèbre devant l’église de Nantey, les corps avaient été inhumés dans une fosse commune sur la gauche de l’église (à l’opposé du cimetière).
Ce témoin précisait qu’un de ses beaux-frères était maquisard dans la colonne Henri Clerc. Il l’avait entendu dire pendant longtemps que plusieurs membres de la colonne FFI n’étaient pas pour cette exécution.
À cette période, les Allemands effectuaient beaucoup d’opérations de ratissage dans le but de capturer les réfractaires au STO. Le frère de Jean Janin ainsi que deux autres jeunes hommes avaient été capturés. Pour dresser un tableau de cette période, M. Grosdenis a relaté les raisons du martyre d’un des villages jurassiens, les conditions de sa communion en pleine descente SS dans le village pour chercher des réfractaires au STO et comment un homme avait donné sa vie pour son frère pour une histoire de fusil caché dans un buisson.

La secrétaire de la commune nouvelle de Val d’Épy3 mettait au jour la liste des fusillés. Ils avaient été identifiés par leurs portefeuilles :
Roger Delorme, Aimé Achard, René Putinier, Marcel Morraglia, Roger, Henri, Victor De Raedt, André Bay, Jules Milceut ou Milcent, Louis Donque, gardiens de la paix, et, Louis, Marius Féraud, brigadier, tous domiciliés caserne de la Vitriolerie à Lyon.

Les faits

Tels qu’ils ressortent des Archives départementales du Rhône et métropolitaines de Lyon (ADRML) et des dossiers administratifs du SGAMI4.
Le 7 juin 1944, un groupe de 10 gardiens de la paix appartenant au GMR « Perrache », caserné au fort de la Vitriolerie, à Lyon, recevait l’ordre du commandement régional des GMR d’assurer la protection d’un convoi d’essence à destination de Chalon-sur-Saône. Ils étaient commandés par un brigadier. Partis à 7 h, ils arrivaient à Chalon à 13 heures, après avoir été renforcés à Macon par quatre gardiens du GMR monté « Rhodanien » de Lyon, à bord d’un second camion. Cette nouvelle escorte avait été ordonnée par le chef des forces de maintien de l’ordre afin de convoyer, au retour, des munitions jusqu’à Bourg (Ain) pour le compte de la Milice.

Un des camions étant tombé en panne à Branges, les fonctionnaires passaient la nuit à Louhans où le véhicule avait été remorqué. Le lendemain, trois fonctionnaires restaient le temps de la réparation. Le convoi, composé d’un camion et d’une camionnette pour les munitions, repartait avec le brigadier et 11 gardiens. Vers 11 h, entre Saint-Amour et Bourg, [sur la route reliant Nantey à Florentia5 ] ils étaient interceptés par des « dissidents » qui les désarmaient et s’emparaient des munitions. Ils ne s’étaient pas défendus. Emmenés dans la montagne, ils étaient ramenés vers la route, semble-t-il pour les libérer. Après 2 heures de marche, vers 23 h, à proximité de Florentia, ils étaient alors abattus6. Seuls deux d’entre-eux, blessés, Chalon et Mazoyer, étaient récupérés par le maire et des habitants avant d’être conduits à l’hôpital de Lons-le-Saunier. Les corps des 10 tués étaient enterrés au cimetière de Nantey7.

Le préfet du Jura ordonnait une enquête confiée au commissaire de police de Lons-le-Saunier, Jean Davias. Ce dernier dépêchait, le 9 juin au matin, le gardien de la paix Jacquier afin de ramener le gardien Mazoyer pour l’hospitaliser au quartier militaire de l’hôpital de Lons. Celui-ci précisait qu’il avait fait le mort. Un de ses collègues blessé avait disparu [Chalon]. Il s’était traîné jusqu’à Florentia où le maire lui avait prodigué les premiers soins. Dans son rapport du 29 juillet 19448, le commandant Missioux, chef du GMR « Rhodanien », apportait des éléments complémentaires. [Il est à noter que cet officier, gaulliste, visé et surveillé par la Milice, a été le premier commandant régional des CRS fin 1944 – début 19459] Les individus qui ont abattu les policiers étaient cinq Russes. Le chef de « bande » avait crié avant d’ouvrir le feu sur les prisonniers, en colonne par un «Vous êtes des GMR, donc des traîtres, vous méritez le châtiment des traîtres ».

Les victimes

Aimé ACHARD, né le 23 juin 1924 à Villieu (Ain), gardien de la paix, caserne de la Vitriolerie à Lyon, GMR « Perrache ».

André BAY, né le 20 décembre 1924 à Le-Puy, gardien de la paix, caserne de la Vitriolerie à Lyon, GMR « Rhodanien ».

Roger DELORME, né le 11 mai 1923 à Caluire, gardien de la paix, caserne de la Vitriolerie à Lyon, GMR « Perrache ».

Louis DONQUE, gardien de la paix, caserne de la Vitriolerie à Lyon. GMR « Perrache ».

Louis, Marius FÉRAUD, brigadier des gardiens de la paix, caserne de la Vitriolerie à Lyon GMR « Perrache »10. Né le 14 février 1913 à Lyon. Époux de Knittel Henriette, Marie, reconnue veuve civile de guerre, un enfant. Engagé volontaire, le 10 avril 1931 à Alger, au 5e régiment de chasseurs d’Afrique. Maréchal des logis, mobilisé le 6 septembre 1939, prisonnier à Verneuil le 17 juin, évadé le 25 août, démobilisé
le 31 mars 1941. Entré dans la Police régionale d’État (PRE) de Lyon comme gardien stagiaire, le 1er juillet 1941. Affecté, en juillet 1942, au GMR « Rhodanien » à Saint-Fons, commandé par le commandant Missioux. Nommé brigadier, le 1er juin 1943. Mis en congé sans solde le 11 janvier 1944 et rétrogradé le 16 février 1944. La mesure du 13 janvier prévoyait un internement de 6 mois, ramené à deux mois, le 1er février. – Le 27 décembre 1943, il aurait faitpreuve de négligence et de manque d’autorité, alors que des vols étaient commis par des personnels dans le train SIPEG11 en gare de Vaise. – Il était muté sur ordre du commandant régional André au GMR « Terreaux », puis au GMR « Perrache » commandé par le capitaine Bournazel12. Il était réintégré dans son grade le 1er mai 1944.

Jacques GUILLET, gardien de la paix au GMR « Rhodanien »13. Né le 3 septembre 1917 à Lyon. Époux de Fernande Picard (remariée Jaboulin). Un fils Gérard, Robert. Gardien stagiaire le 21 janvier 1943, élevé à la 3e cl. le 21 janvier 1944.

Jules MILCEUT ou MILCENT, né le 9 février 1911 à Dancelles (Sarthe), gardien de la paix au GMR « Rhodanien », caserne de la Vitriolerie.

Marcel MORRAGLIA, gardien de la paix, caserne de la Vitriolerie à Lyon, GMR « Perrache ».

René PUTINIER, né le 14 mai 1924 à Miribel, gardien de la paix, caserne de la Vitriolerie à Lyon, GMR « Perrache ».

Roger, Henri, Victor de RAEDT, gardien de la paix de 2e cl, caserne de la Vitriolerie à Lyon, GMR « Rhodanien », né le 2 mars 1916 décédé le 9 juin (une déclaration au 18)14. Époux de Szewczyk Hélène, originaire de Lille, un enfant. Gardien stagiaire le 11 août 1942.

Blessés


Alfred CHALON, né le 27 juin 1923, gardien de la paix au GMR « Perrache », caserne de la Vitriolerie, blessé à la tête.

Henri MAZOYER, né le 27 juin 1925 à Lyon 5e, gardien de la paix au GMR « Perrache », à la Vitriolerie15. Époux de Marie-Jeanne Pelissier16. Deux filles, Michèle et Geneviève. Recruté, le 20 janvier 1944, comme gardien stagiaire de GMR. Le 1er octobre 1944, muté au CU de Lyon il était titularisé le 20 janvier 1945. Sa carrière le conduira au corps urbain de Versailles, au service régional des sports. Brigadier-chef, en 1964, il rejoint, le 1er septembre 1972, l’ENSP où il prendra sa retraite comme officier de paix principal, le 5 septembre 1977. Il est décédé 10 février 2019. Sa blessure du 9 juin 1944 avait entraîné une ATI (congé de convalescence jusqu’au 2 novembre 1944): Blessure à l’abdomen, fracture du cubitus droit, plaies par balle en séton du bras droit et de la fesse droite. Une des balles l’avait traversé de part en part, provoquant une atteinte rénale et hépatique qui s’était aggravée au cours des années. Selon sa fille, Geneviève Lefebvre- Mazoyer, il parlait peu. Il avait eu la vie sauve grâce à des villageois qui avaient vu son orteil bouger, il était couvert de sang ; ils l’avaient transporté dans une brouette.

À l’époque des faits, il y a eu des interrogations sur le sort d’un treizième GMR, Yvon BUREAU, gardien de la paix au GMR « Perrache ». Les effectifs de la mission étaient de 15, dont 12 pour le convoi à destination de Bourg. Ce qui élimine Bureau de la liste des morts et des blessés. Il fut porté disparu par le commandement des GMR. Au vu des rapports, il semble qu’il y ait eu des flottements, des manques de précisions dans l’organisation des effectifs. Par ailleurs, tous les dossiers des fonctionnaires n’ont pas été conservés aux ADRML, en particulier pour les policiers qui n’avaient été fonction que quelques mois et qui ne pouvaient prétendre à aucune pension de retraite.

Qui étaient les exécuteurs ?

La région avait été particulièrement touchée par les opérations Korporal et Frühling déclenchées par les Allemands contre les maquis de l’Ain et du Haut-Jura. Elles avaient succédé aux opérations combinées dans lesquelles avaient été engagés fin 1943, notamment, des GMR, jugés peu efficaces. Le 16 avril 1944, le maire de la Balme-d’Épy, AugusteBonnet, pris en otage lors de l’encerclement du village par les troupes d’occupation, avait été fusillé à Nantey17. Le 28 juin 1944, le groupe SOE Libre Jura, quittera le village de Mérona pour Nantey. La vengeance et la haine devaient régner. Pour autant, fallait-il se comporter comme les nazis.

Un groupe d’un maquis FTP international ? Un groupe FTP dissident comme le groupe Lamouille en Haute-Savoie qui avait capturé une vingtaine de policiers et les avait exécutés18 ; le groupe avait été finalement reconnu par les FTP. Les FFI ne partageaient pas les méthodes expéditives des FTP.

Comment les véhicules étaient-ils tombés dans une embuscade ? Leur destination a-t-elle fait l’objet d’un signalement aux maquis au départ de Louhans ? Certainement, dans ces jours qui suivirent le débarquement du 6 juin, les maquis surveillaient tous les déplacements. Un convoi de type militaire ne pouvait passer inaperçu ; son cheminement suivi au fur et à mesure de sa progression. La région n’était pas sure. L’escorte était importante. L’interception s’était déroulée sans effusion de sang; ce qui révèle la motivation des Gmr. Les « maquisards » avaient réussi leur coup, récupéré les deux véhicules, les armes des policiers et les munitions transportées.

Pourquoi, alors, abattre les Gmr prisonniers et désarmés, contrairement aux lois de la guerre ? Un crime sans aucune justification et un cas non isolé dans ces périodes.
On sait que les Russes ou les Slaves pratiquaient aussi les méthodes communes à l’Est. Les chercheurs, historiens ou érudits de la région, que nous avons contactés, n’avaient pas eu connaissance de cette exécution collective. Toutefois, le 1er bataillon du capitaine Grillon, Paul Cribeillet, comptait dans ses rangs, le détachement du lieutenant Lamkine et du sous- lieutenant Tchernov, tué lors du combat du « Moulin à vent », le 15 juin 1944. Ce détachement était composé d’une majorité de Russes.19

Selon certains témoignages, il régnait dans la région une atmosphère de terreur à cause de groupes incontrôlés. Mme Nicole Vuillard, originaire de la « petite montagne » qui a quitté la région et pris de la distance, évoque des « maquis noirs »20. Toutefois, elle a peine à croire que dans les rangs des maquis, il y ait eu des éléments susceptibles d’avoir commis des actions aussi déshonorantes que celles décrites dans une coupure de presse. Dans son courrier, elle nous écrivait : « En ce qui concerne les GMR assassinés, je suis contente de découvrir qu’on s’intéresse encore à leur sort car, quels qu’aient été leurs choix, ils ne méritaient pas d’être fusillés sans jugement, d’autant plus qu’ils étaient désarmés. Et il faut tenir compte du fait que la France a eu la malchance d’avoir des autorités politiques et religieuses qui se sont accommodées de l’occupation, entraînant ainsi malheureusement bien des Français dans cette voie. »

Cet événement dramatique fut en effet relaté très brièvement dans un encart de presse « des morts pour rien » paru à la Libération. Il porte essentiellement sur des assassinats perpétrés dans la ferme du lieu-dit « la Foule » à Barésia, hameau de Montfleur. Un crime qui peut être considéré comme crapuleux car si les victimes avaient des sympathies pour le régime du maréchal Pétain, liées à de très profondes convictions religieuses, le bâtiment a été pillé, biens mobiliers et cheptel. Il est fait aussi mention de meurtres, vols, pillages, profanation d’église dans la région de Saint-Julien. L’exécution des Gmr (7) à Florencia (canton de Saint-Julien- sur-Suran) fait partie du triste tableau ; mais, le journaliste la situe en septembre. Aucune enquête n’a été diligentée sur ces faits dans le tumulte de cette période. Et, le journaliste deconclure qu’un des « tueurs » fut malgré tout condamné aux travaux forcés par la cour d’assises de Mulhouse, non pas pour le massacre de Montfleur, mais pour l’assassinat de son propre père en Alsace. Cette brève synthèse a le mérite de brosser un tableau de l’atmosphère de terreur qui régnait pendant cette période troublée, à cause de quelques groupes incontrôlés (et incontrôlables).

La présence de Slaves, possibles transfuges de l’armée de Vlassov était connue dans ce secteur. Ils avaient même été accusés de viols de femmes d’Izernore. Si ces déserteurs étaient entrés dans la clandestinité et avaient pu rejoindre des maquis, pour lesquels ils constituèrent un renfort, ce n’était certainement pas par idéal, mais par intérêt personnel pour assurer leur survie. Pour cette raison leur présence ne paraît guère revendiquée par les chefs de maquis.

Oubliés, sans mémoire

Plusieurs des veuves, mères de famille, obtenaient des secours du Comité national d’aide aux victimes du devoir. Mais les aides ne furent jamais versées. Les policiers étaient morts dans des circonstances non prévues. Les demandes de reconnaissance, « mort pour la France » restèrent sans réponse21.

Tous ces policiers été réhabilités par les commissions d’épuration, dont celles de chaque GMR, les tribunaux d’honneur ou les commissions de réforme. Pour certains de ces policiers, il a même été précisé qu’ils n’avaient participé à aucun combat contre la Résistance.

À cette époque trouble et instable, il n’y avait guère de judiciarisation des morts violentes dont les causes paraissaient suspectes. Si une information était ouverte, rarement l’instruction aboutissait

Leurs noms ne figurent pas sur le monument aux morts des policiers de l’agglomération lyonnaise au cimetière de Loyasse, ni sur aucun autre monument. Aucune stèle sur le lieu de l’exécution.

Il était légitime de lever le voile sur ce drame collectif et de redonner une mémoire à ces hommes.

Lyon, le 18 mars 2022 Michel Salager

Société Lyonnaise d’Histoire de la Police, association déclarée 2004, Siret : 524.660.289.00017 ISSN 2494-2502 (en ligne) 2494-436X (imprimé)

shplyon@yahoo.fr – http://www.slhp-raa.fr https://twitter.com/PoliceHistoire https://www.facebook.com/PoliceHistoire

  1. Elle avait donné naissance à un fils
  2. Histoire du groupe Henri Clerc, fin 1941 – 16 septembre 1944, Jean-Daniel Michel, 2002
  3. Val d’Épy, nouvelle commune regroupant cinq villages dont Val-d’Épy, la Balme-d’Épy, Nantey, Coligny et Florentia.
  4. Secrétariat général pour l’administration du ministère de l’Intérieur (ex SGAP)
  5. Cf. carte supra
  6. Témoignage de Mazoyer entendu par le commissaire Davias le 9 juin 1944, ADRML
  7. Rapport de l’officier de paix Henri Bournazel, chef par intérim du GMR « Perrache » du 29 juin.
  8. Rapport concernant Guillet, ADRML
  9. SLHP, Michel Salager, Policier sous Vichy, obéir ou résister ?
  10. ADRML SGAMI 7303
  11. Service interministériel de protection contre les événements de guerre (secours)
  12. Rapport au général commandant les GMR du commandant du GMR Perrache du 29 juin 1944. 
  13. ADRML SGAMI 7634
  14. ADRML SGAMI 7851
  15. ADRML SGAMI 1721W7940 
  16. Commis de la PN
  17. https://fusilles-40-44.maitron.fr/spip.php?article240984
  18. Michel Salager, Policier sous Vichy, Obéir ou Résister ?
  19. https://www.maquisdelain.org/personnage-paul-cribeillet-20.html
  20. Elle avait répondu à notre appel à témoins passé sur notre compte Twitter @PoliceHistoire
  21. Féraud figure sur une liste de policiers résistants ou patriotes.