L’ÉVOLUTION DE LA RESPONSABILITÉ

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UNRP Retraités Police n°162

L’ÉVOLUTION DE LA RESPONSABILITÉ des hôpitaux du service public lorsqu’il existe des

PRÉJUDICES CAUSÉS AUX MALADES qui y sont soignés.

La responsabilité sans faute
Depuis la responsabilité sans faute à raison des produits sanguins fournis et depuis
la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades, aux risques sanitaires, à la
qualité des soins, créant un droit d'indemnisation aux victimes d'accidents médicaux
pour «aléa médical» ou «aléa thérapeutique», beaucoup de chemin a été parcouru.
La question des «produits de santé»
Tout d'abord, un rappel des principes : Les règles de responsabilité applicables à 
l'hôpital public sont de plusieurs sortes. Cet article traite de la réparation des
dommages causés aux usagers du service public hospitalier en suite de la
responsabilité sans faute.

II existe deux catégories :
1) la responsabilité pour faute du service quant à son organisation, quant à son 
fonctionnement, quant à la faute médicale.
Le 7 novembre 2000, la Cour de Cassation
estimait qu'il y avait responsabilité contractuelle en raison des produits fournis, 
notamment de produits désinfectants employés sur le patient à l'origine de brûlures.
Depuis que la Cour de Cassation a relevé une obligation contractuelle de sécurité
-résultat du fait des matériels fournis applicables aux cliniques, les actes
médicaux postérieurs au 5 septembre 2001, relèvent de l'article L 1142-1** du Code
de la Santé Publique. Bien entendu, le régime de la responsabilité sans faute
n'exclue pas que la victime se prévale d'une responsabilité contractuelle ou
extracontractuelle ou au titre d'un régime spécial de responsabilité. En effet, 
le producteur reste responsable des conséquences de sa faute.
2) la responsabilité sans faute : la faute n'est pas le seul fondement juridique 
de la responsabilité du service public hospitalier.
Selon un très ancien principe
dégagé en 1873, dans le célèbre arrêt BLANCO, toujours d'actualité, la réparation
des dommages subis est soumise aux tribunaux administratifs, selon un très ancien
principe résultant de la séparation des pouvoirs. Les Cours Administratives d'Appel 
ont une grande influence sur le traitement des litiges opposant les usagers aux
hôpitaux publics. Le Conseil d'État, dans un arrêt du 9 juillet 2003, a rendu
responsable les hôpitaux, même s'il n'y a pas eu de faute du service public, des
conséquences dommageables pour les patients de la défaillance des produits et des
appareils de santé. Les règles relatives aux établissements publics de santé
s'appliquent aux centres municipaux de santé, au service de santé des armées ou
au service médical d'urgence de l'aéroport de Paris.
LA RESPONSABILITÉ SANS FAUTE ET LES PRODUITS DE SANTÉ :
Outre, les autres sources de responsabilité sans faute, que sont les soins prodigués,
la prise en compte des risques sanitaires, la fourniture de «produits de santé» est
source de responsabilité sans faute. Les «produits de santé», font l'objet d'une
législation spécifique et d'une organisation administrative destinées à gérer une
obligation de sécurité-résultat :
- L'administration française et le Code de la Santé Publique :
L'AFSSA, Agence Française de sécurité Sanitaire des Produits de santé (anciennement 
agence du médicament) assume les missions de sécurité sanitaire et veille à
l'efficacité, la qualité et le bon usage de tous les produits de santé destinés à
l'homme
*, notamment les médicaments, les matières premières à usage pharmaceutique,
les dispositifs médicaux et dispositifs de diagnostic in vitro, les produits
biologiques et issus des biotechnologiques, à l'exception des produits du corps
humain définis à l'article L 1211-1 du Code de la Santé Publique.
- Quel est le rôle des juges administratifs face aux obligations des hôpitaux en cas 
d'usage des produits de santé ?
Les juges veillent à l'efficacité de «l'obligation de sécurité-résultat» : cette
législation spécifique applicable aux produits relevant des produits de santé
énoncés dans le livre V du Code de la Santé Publique. Ce régime de responsabilité
de produits défectueux est transposé depuis la législation européenne dans les
articles 1386-1 à 1386-18 Code Civil. Il s'agit clairement d'une responsabilité
sans faute des producteurs : il faut et il suffit que le produit soit défectueux
pour entraîner les mécanismes de responsabilité, que le défaut du produit soit ou
non lié par un contrat avec la victime. La loi assimile le vendeur ou «tout autre 
fournisseur professionnel» au producteur.
- Quelles sont les conditions d'application de la responsabilité par les juges ?
1/ Tout d'abord, c'est le produit qualifié de «défectueux» qui entraînera la 
responsabilité sans faute. Il sera qualifié comme tel s'il n'offre pas «la
sécurité à laquelle l'utilisateur peut 
légitimement s'attendre». Les juges
retiendront les défauts de conception (thalidomide) ou de fabrication du «produit»
(talc Morhange), ou les défauts dans son mode d'emploi (pose d'un produit sur
le corps).
2/ Ensuite, classiquement, il faut relever un «lien de causalité» : c'est le 
produit défectueux qui doit être la cause directe du dommage dont la réparation
est demandée aux juges.
Certaines exonérations de responsabilités sont admises par les juges français :
comme par exemple si «l'état des connaissances scientifiques et techniques du
moment où le producteur a mis le produit en circulation, n'a pas permis de déceler
l'existence du défaut».
Il peut aussi arriver que les juges acceptent un partage de responsabilité avec
une faute de la victime.
3/ Encore faut-il que le préjudice dont il est demandé réparation soit «indemnisable».
Pour cela, il est nécessaire d'établir qu'il s'agit d'un préjudice certain, découlant
directement du fait générateur. Le préjudice éventuel ou futur ne peut être
automatiquement indemnisable. Il faut être certain que le préjudice futur se
réalisera (renouvellement de prothèses ou d'appareils orthopédiques).
- Quelques exemples concrets d'indemnisation :
Produits sanguins. II s'agit ici d'une loi du 19 mai 1998 transposant la Directive
européenne du 5 juillet 1985 renforçant la veille sanitaire et le contrôle des produits
sanitaires des produits destinés à l'homme. Cette Directive entend rapprocher les lois
des Etats-membres en cas de responsabilité du fait des produits défectueux. Elle
concerne donc les défaillances des produits de santé, dont les producteurs sont les
premiers responsables, et, en cas d'impossibilité d'identifier ce dernier, les
fournisseurs. (Tout en écartant la possibilité pour les États d'obliger le fournisseur
à répondre sans restriction de la responsabilité ont le producteur est responsable
en premier) l'indemnisation des hépatites C dues à des transfusions anciennes, dès
lors que le demandeur apporte des éléments permettant de présumer que sa contamination
a pour origine une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments
dérivés du sang.
L'indemnisation pour fonctionnement défectueux ? notamment lors de la pose d'une
prothèse,d'un respirateur artificiel ayant entraîné un arrêt cardiaque et une anoxie,
ayant entraîné des séquelles graves (Conseil d'État, 9 juillet 2003).
LE DÉBAT EUROPEEN :
Le débat actuel au niveau européen oppose ou complète la responsabilité sans faute de 
l'hôpital fixée par la jurisprudence administrative face à la responsabilité de principe
du producteur duproduit défectueux fixée par la jurisprudence judiciaire, transcrite aux
articles 386-1 à 1386-18 du Code Civil***. Pour le Conseil d'Etat la responsabilité pour
produit défectueux ne s'oppose pas à l'application du régime particulier de la
responsabilité sans faute (CE 9 juillet 2003).
Pour la Cour européenne, la responsabilité sans faute ne doit pas remettre en cause la 
responsabilité du producteur.
Conséquence, l'hôpital peut exercer un recours en garantie contre le producteur si la
victime a invoqué la responsabilité sans faute de l'hôpital. Gageons que les possibilités
de procédures amiables devraient se révéler de plus en plus utiles. Nous en parlerons
lors d'un prochain article.
C. de Marguerye
Avocat à la Cour
NOTES :
*définition des produits de santé au sens du Code de la Santé Publique : médicaments
toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou
préventives à l'égard des maladies 
humaines»), dispositifs médicaux (instrument, appareil,
équipement ou produit destiné par le fabricant à 
être utilisé chez l'homme à des fins
médicales et qui n'agit pas comme un médicament, systèmes de 
vigilance (pharmacovigilance,
matério-vigilance).
** L 1142-1 Code de la Santé Publique : «hors le cas où leur responsabilité est encourue 
en raison d'un défaut 
d'un produit de santé, tout établissement, service ou organisme, ne
sont responsables des conséquences 
dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou
de soins qu'en cas de faute. Les établissements sont 
responsables des dommages résultant
d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause 
étrangère».
***1386-1 et suivants du Code Civil :
- Art 1386-1 : «Le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son
produit, qu'il soit ou non 
lié par un contrat avec la victime».
- Art 1386-6 : «Est producteur, lorsqu'il s'agit à titre professionnel, le fabricant
d'un produit fini, le producteur 
d'une matière première, le fabricant d'une partie
composante
».
Est assimilé à un producteur pour l'application du présent titre toute personne
agissant à titre professionnel :
Qui se présente comme producteur en apposant sur le produit son nom, sa marque ou un
autre signe distinctif ;
Qui importe un produit dans la Communauté Européenne en vue d'une vente, d'une
location, avec ou sans promesse de vente, ou de toute autre forme de distribution
- Art 1386-11 : «Le producteur est responsable de plein droit à moins qu'il ne prouve»: 
Qu'il n'avait pas mis le produit en circulation ;
Que, compte tenu des circonstances, il y a lieu d'estimer que le défaut ayant causé
le dommage n'existait pas au moment où le produit a été mis en circulation par lui ou
que ce défaut est né postérieurement ;
Que le produit n'a pas été destiné à la vente ou à toute autre forme de distribution ;
Que l'état des connaissances scientifiques et techniques, au moment où il a mis le
produit en circulation, n'a pas permis de déceler l'existence du défaut ;
Ou que le défaut est dû à la conformité du produit avec des règles impératives d'ordre
législative ou réglementaire.
Le producteur de la partie composante n'est pas non plus responsable s'il établit que le
défaut est imputable à la conception du produit dans lequel cette partie a été incorporée
ou aux instructions données par le producteur de ce produit.